Une dissertation sur Colette



Sujet :

Albéric Cahut estime que « Sous la plume de Colette, tout vit et tout vibre : la pierre et le brin d’herbe, le seuil et le toit et, chez les êtres, le trait, la manie, l’expression et le souvenir ».

Dans quelle mesure ces mots éclairent-ils votre lecture des deux ouvrages au programme de Colette ?


Introduction :

       Dans Les Vrilles de la Vigne (1908), Colette évoque son “goût passionné pour tout ce qui respire à l’air libre et loin de l’homme – arbre, fleur, animal peureux et doux, eau furtive des sources inutiles”. Cette déclaration de sensibilité exprimée par l’autrice entre en résonance avec les mots d’Albéric Cahut : « Sous la plume de Colette, tout vit et tout vibre : la pierre et le brin d’herbe, le seuil et le toit et, chez les êtres, le trait, la manie, l’expression et le souvenir ». Cahut décrit les thèmes de l’écriture de Colette : la nature et les sentiments, Colette est extrêmement attentive et observe l’habitude et le caractère des êtres. Ainsi, Albéric Cahut voit l'écriture de Colette comme étant capable de rendre vivants et vibrants les sentiments et la nature. Mais, dans Les Vrilles de la vigne (1908) et dans Sido (1929), Colette mène un autre projet littéraire : revivre les sentiments heureux d’une enfance perdue.

Dès lors, est-ce que l’écriture de Colette célèbre le monde qui l’entoure en lui donnant vie ?

Il est vrai que l'écriture de Colette anime le monde et, en ce sens, lui donne vie. Mais c’est avant tout un regard vers le passé : vers une Colette enfant. En fait, Sido et Les Vrilles de la Vigne réussissent à recomposer le monde extérieur à travers le regard passé d’une jeune fille.



I - Certes, Colette a une écriture très sensible qui lui permet de faire vivre le monde. Sa plume porte sur le monde extérieur, elle est un regard tourné vers la beauté des choses et la beauté des autres.

a - Une attention portée vers les beautés du monde vivant, vers ce qui “vit” 

→ “Chut ! … Regarde !” (injonction de la mère de Colette à sa fille). Sido

→ “Oui, dans ma vie, il y a eu beaucoup de chiens – mais il y a eu le chat.” Les Vrilles de la vigne

b - Une écriture originale qui célèbre la nature sous toute ses formes

→ Un projet d’écriture original et une plume unique :  “Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne” (La Retraite sentimentale)

→ L’amour de l’aube : “Car j’aimais tant l’aube déjà que ma mère me l’accordait en récompense”. 


II - Mais, c’est surtout en regardant sa propre personnalité que Colette “vibre et vit”. C’est un regard vers soi, qui célèbre son enfance en le réanimant. 

a - Les souvenirs narcissiques d’une enfant merveilleuse

L’écriture de Colette est une plongée narcissique dans son âme d’enfant, une quête de celle qu’elle a vraiment été et de sa personnalité passée.

→ « Vous n’imaginez pas quelle reine de la terre j’étais à douze ans. »

→ « Ma mère […] tenait pour naturel, voire obligatoire, d’enfanter des miracles […] » 

b - Son écriture du passé est aussi une exploration d’elle-même au présent.

→ “Tout cela, c’est moi enfant et moi à présent…” (Les Vrilles de la Vignes)

→ “Loin de moi de vous oublier, chiens chaleureux, meurtris de peu, pansés de rien. Comment me passerais-je de vous ? Je vous suis si nécessaire… Vous me faites sentir le prix que je vaux.” (Les Vrilles de la vigne “Amours”)


III - En fait, l’écriture de Colette recompose le monde extérieur à travers son monde intérieur de jeune fille. L’écriture de Colette est tournée vers ses souvenirs. Tout n’est que recomposition à partir de sa mémoire. 

a - Colette se met toujours en scène au milieu de la nature. 

Ces célébrations du monde prennent ainsi une tournure très intime, notamment par la portée symbolique que Colette leur donne

→ “Les vrilles d’une vigne amère m’avaient liée, tandis que dans mon printemps, je dormais d’un somme heureux et sans défiance. Mais j’ai rompu, d’un sursaut effrayé, tous ces fils tors qui déjà tenaient à ma chair, et j’ai fui…”

→ “quand je descendais le chemin de sable, le brouillard [...] atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… J'allais seule, [...] C'est sur ce chemin, c'est à cette heure que je prenais conscience de mon prix” (Sido)


b - Le souvenir de soi est une voie vers la contemplation du monde 

 Colette parle bien du monde extérieur, mais au travers d’une subjectivité assumée.

→  “Une enfant très aimée, entre des parents pas riches, et qui vivait à la campagne parmi des arbres et des livres, et qui n’a pas connu ni souhaité les jouets coûteux : voilà ce que je revois en me penchant ce soir sur mon passé…” (Les V. de la v.)

→ “Je voudrais dire, dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout ce qui m’enchante et me blesse et m’étonne” (Les V. de la v.)

→ « Mon imagination, mon orgueil enfantin situaient notre maison au centre d’une rose de jardins, de vents, de rayons, dont aucun secteur n’échappait tout à fait à l’influence de ma mère. » (Sido)


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